Vente

Vente en l'état futur d'achèvement et retard de livraison

Retard en VEFA : clauses pénales, responsabilité du vendeur et droits de l'acquéreur pour obtenir indemnisation ou suspendre le paiement.

Construction et visite de chantier VEFA
Retard de livraison en VEFA : sanctions et droits de l'acquéreur.

En matière de vente en l'état futur d'achèvement (VEFA), le vendeur s'oblige à édifier un immeuble dans un délai déterminé par le contrat, conformément à l'article L. 261-1, alinéa 2 du Code de la construction et de l'habitation, qui renvoie à l'article 1601-1 du Code civil.

Le respect du délai de livraison constitue ainsi une obligation essentielle du vendeur, dont l'inexécution peut ouvrir droit à plusieurs sanctions juridiques.

L'application d'une clause pénale

L'article 1226 du Code civil définit la clause pénale comme la stipulation par laquelle une partie s'engage à verser une somme déterminée en cas d'inexécution de ses obligations.

Dans les contrats de VEFA, il est courant que les parties prévoient une telle clause pour fixer forfaitairement les indemnités dues par le vendeur en cas de retard de livraison.

Lorsqu'elle est stipulée, cette clause s'applique de plein droit, sans que l'acquéreur ait à démontrer l'existence d'un préjudice.

La jurisprudence est constante sur ce point : le seul constat du retard dans la livraison suffit à justifier l'application des pénalités contractuelles prévues (Cass. 3e civ., 20 déc. 2006, n° 05-20.065).

L'engagement de la responsabilité contractuelle du vendeur

Le manquement à l'obligation de livraison dans le délai convenu

À défaut de clause pénale, l'acquéreur peut se prévaloir du régime de droit commun de la responsabilité contractuelle, en application des articles 1231-1 et 1611 du Code civil.

La jurisprudence reconnaît que l'inexécution du contrat par le vendeur justifie l'octroi de dommages et intérêts au profit de l'acquéreur (Cass. 3e civ., 14 mars 2012, n° 10-28.714).

Pour engager la responsabilité du vendeur, trois conditions doivent être réunies :

  • Une faute contractuelle, à savoir le non-respect du délai de livraison
  • Un préjudice personnel et certain subi par l'acquéreur
  • Un lien de causalité direct entre cette faute et le préjudice allégué

L'obligation de livraison dans le cadre d'un contrat de VEFA constitue une obligation de résultat, de sorte que tout dépassement du délai fixé dans l'acte de vente engage en principe la responsabilité du vendeur, sauf à ce dernier de démontrer l'existence d'une cause exonératoire, telle que la force majeure ou une cause légitime de suspension (Cass. 3e civ., 21 nov. 2019, n° 18-22.797).

Il est ainsi d'usage que le contrat prévoie expressément des causes de suspension du délai, parmi lesquelles figurent les intempéries exceptionnelles, les grèves de grande ampleur ou encore les retards liés aux fournisseurs ou aux autorisations administratives…

Les causes légitimes de suspension du délai de livraison sont admises par la Cour de cassation, même lorsque la clause de prolongation exonère le vendeur pendant une durée deux fois égale à celle du retard réellement accusé (Cass, Civ. 3ème, 23 mai 2019, n° 18-14.212).

Il appartient donc à l'acquéreur d'examiner rigoureusement les clauses contractuelles afin de vérifier si les causes invoquées par le vendeur peuvent valablement justifier le retard.

Dès lors que la faute est établie, l'acquéreur peut solliciter la réparation intégrale de son préjudice, à condition que celui-ci soit personnel, certain et justifié.

Les juridictions reconnaissent une grande diversité de préjudices indemnisables en cas de retard de livraison imputable au vendeur :

  • Frais de relogement ou de logement temporaire (CA Versailles, 24 oct. 2016, n° 13/05508)
  • Perte de loyers escomptés, en cas de projet locatif (même arrêt)
  • Frais de garde-meubles (CA Montpellier, 27 sept. 2018, n° 15/07021)
  • Intérêts intercalaires versés à la banque
  • Cotisations d'assurance souscrites avant l'achèvement (CA Bordeaux, 5 janv. 2017, n° 15/03204)
  • Préjudice moral (même arrêt)
  • Perte d'un avantage fiscal, notamment en cas de déchéance des dispositifs de défiscalisation (CA Toulouse, 6 juill. 2015, n° 13/02884)

Le manquement à l'obligation d'information sur l'avancement des travaux

Outre le respect du délai de livraison, le vendeur est tenu d'une obligation d'information continue à l'égard de l'acquéreur sur l'avancement du chantier.

La jurisprudence a souligné que l'incertitude prolongée sur la date de livraison, résultant d'un défaut d'information, est susceptible d'engager la responsabilité contractuelle du vendeur. La Cour de cassation a jugé que le défaut d'information sur l'évolution du chantier constitue une inexécution fautive justifiant une indemnisation (Cass. 3e civ., 29 mars 2018, n° 17-14.249).

Ainsi, le vendeur ne peut laisser l'acquéreur dans l'ignorance prolongée quant à la date effective d'achèvement de l'immeuble. Cette carence constitue une faute distincte, susceptible de générer des préjudices spécifiques (préparation logistique inutile, stress, désorganisation…).

Le droit de suspendre le paiement du solde du prix

En cas de retard de livraison imputable au vendeur dans le cadre d'un contrat de VEFA, l'acquéreur est fondé à invoquer l'exception d'inexécution prévue à l'article 1217 du Code civil, afin de suspendre le paiement de la dernière fraction du prix devenue exigible.

Ce droit de rétention du prix, reconnu par la jurisprudence (Cass. 3e civ., 13 juill. 2016, n° 15-20.190 ; CA Versailles, 24 oct. 2016, n° 13/05508), empêche également l'application de la clause résolutoire, classiquement insérée dans les contrats de VEFA sur le fondement de l'article L. 261-13 du Code de la construction et de l'habitation (Cass. com., 14 déc. 1993, n° 92-11.702). L'exception d'inexécution, dans ce cas, est légitime.

Toutefois, pour garantir sa bonne foi et préserver les intérêts du vendeur, le solde du prix doit être consigné à la Caisse des dépôts et consignations.